12 junho 2008

aussi irrationnels que changeants

An anonymous commentator put this article published today in French newspaper Libération in a commentary box below. I find it marvellous because the author is able to charaterize very well Catholic culture, but then he shows a profound lack of understanding for it - and a lot of indignation at it. What he describes is Catholic culture at its best. This article could have been written about Portugal. Had we progressed and enriched ourselves as much as the Irish did from EU membership and we would be judging today the EU as sternly as the Irish are doing (actually, we are already doing a little bit of it), and making EU existence dependent on us. Here is the article (bold mine):

"Le despotisme irlandais

L'Irlande est la nation européenne qui a le plus évidemment profité de la construction de l'Europe. On rencontre même des Irlandais heureux. Malheureusement, rien ne prouve qu'ils soient devenus majoritaires. Alain Duhamel LIBERATION.FR : jeudi 12 juin 2008 .

L'Irlande se prononce aujourd'hui par référendum sur le traité européen de Lisbonne, c'est à dire sur le traité institutionnel simplifié, raccourci et atrophié qui cherche à rendre possible le fonctionnement à 27 d'une Union bâtie pour six pays. Les sondages, comme toujours, se contredisent, payants mais opaques. Le non est une fois de plus possible dans la verte Erin dont le caractère ombrageux et le tempérament fantasque ne sont plus à démontrer.
L'Irlande est la nation européenne qui a le plus évidemment profité de la construction de l'Europe. Lorsqu'elle est entrée au sein de la Communauté le 1er janvier 1973, l'Irlande était pauvre et malheureuse. Son niveau de vie était l'un des plus misérable du monde occidental, sa société, l'une des plus archaïques. Une Église catholique tout droit issue de la Contre-Réforme y imposait une férule féroce en matière de mœurs.
Malgré la beauté désolée de ses paysages pluvieux, l'Irlande demeurait cette nation persécutée par l'Histoire dont tant de fils avaient dû se résoudre à émigrer, chassés par les famines et tyrannisés par les anglais. Trente cinq ans plus tard, l'Irlande est devenue grâce à l'Europe une nation prospère et entreprenante. Le niveau de vie a grimpé en flèche, une fiscalité hardie a attiré tant d'entreprises que l'Eire a recours à l'immigration. Le pays s'est couvert de maisons neuves et peu poétiques en remplacement des chaumières aussi vétustes que virgiliennes. En trois décennies, on est passé de James Joyce aux 4 X 4. On rencontre même des irlandais heureux.Malheureusement, rien ne prouve qu'ils soient devenus majoritaires.

Après des siècles de Géhenne, les Irlandais restent méfiants à l'égard du monde extérieur dont, foncièrement, ils n'attendent rien de bon. Vis à vis de l'Europe, ils s'arrogent sans hésiter un droit et presqu'un devoir d'ingratitude. Déjà, en 2001 ils avaient rejeté le médiocre traité de Nice par 54 % des voix avant de l'approuver un an plus tard par 63 % des suffrages, une fois arrachées quelques closes d'exemption inutiles. Ils sont grandement tentés de récidiver aujourd'hui. Leur constitution, hérissée de suspicion, rend obligatoire la ratification par référendum des traités internationaux.
L'Irlande possède bien entendu, comme tous les pays d'Europe, un droit de veto sur tout nouveau traité ou tout nouvel élargissement. Cela ne lui suffit pas, parce qu'il faudrait faire confiance à son gouvernement et à son Parlement, présumés peuplés de pécheurs. L'Irlande s'est donc doté en fait d'un double veto, gouvernemental et populaire, seul pays européen dans ce cas jusqu'à ce que Jacques Chirac l'imite, afin de rendre pratiquement impossible l'adhésion de la Turquie qu'il appelait théoriquement de ses vœux. L'ex-président avait dû apprendre en secret le gaélique.

On connaît la mécanique infernale des référendums, ces machines à faire répondre non aux questions qui ne sont pas posées. L'Irlande décide aujourd'hui du sort du traité européen. Comme en France ou au Pays Bas en 2005, 90 % des élus, des chefs d'entreprises, des médias poussent au oui. A Dublin, c'est aussi le cas de 90 % des syndicalistes, des universitaires et des intellectuels. Comme à Paris ou à La Haye, cela irrite beaucoup plus que cela ne convainc.
Après trente ans de croissance spectaculaire, les crises internationales assombrissent le climat en Irlande comme ailleurs : l'Europe se trouve aussitôt désignée comme le bouc émissaire. Le cartel des non les plus improbables se déchaîne. Les opposants au traité de Lisbonne assurent sans rougir que Bruxelles pourra tripler leurs impôts, que des enfants de trois ans pourront être enfermés (sic), que le continent imposera souverainement les mœurs les plus dépravées, que l'agriculture familiale sera condamnée et que l'Irlande, si attachée à sa neutralité militaire, sera contrainte de se battre pour faire face au terrorisme qui menace ses voisins.
Comme toujours dans les campagnes référendaires, c'est le triomphe des fantasmes les plus absurdes, des rumeurs les plus saugrenues, des mensonges les plus éhontés qu'Internet transporte, décuple, centuple et théâtralise à l'infini. On plonge de nouveau dans la démocratie d'opinion avec ses démagogues, ses populistes, ses affabulateurs et ses mythomanes. Une technique irrésistible dans une culture traversée de superstitions.Ainsi, au moment où, face aux crises mondiales l'Europe a tant besoin de se fortifier et de se rassembler, le destin du traité de Lisbonne dépend de la mélancolie de quatre millions d'Irlandais aussi imprévisibles que sympathiques, aussi irrationnels que changeants, aussi téméraires que soupçonneux.

Et si, au lieu de pouvoir bloquer à eux seuls leurs 500 millions de partenaires, l'appartenance aux institutions européennes des nonistes était suspendue jusqu'à ce qu'ils décident de rejoindre la majorité qui souhaite avancer ? Et si en somme, le veto s'appliquait aux bloqueurs et non pas aux bloqués, comme dans une démocratie?"

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